Les Échos du Logement n°124
61 DROIT AU LOGEMENT —— Absece de terrains en nombre suffisant pour accueillir les gens du voyage et leurs familles (§ 211 de la décision précitée). —— Absence d’inscription dans la loi d’une obligation de concer- tation avec les intéressés pour trouver des solutions alternatives à l’expulsion. —— Absence d’offre de proposition de relogement lorsqu’est prise une décision d’expulsion des familles des gens du voyage (C.E.D.S. décision précitée du 21 mars 2012, § 163). Attendu que, pour leur part, les autorités et les organisa- tions notamment internationales s’accordent à dire que les gens du voyage constituent une population vulnérable ; Attendu que dans un communiqué émanant du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe il est, notamment, relevé ce qui suit : «Dans tous les pays où vivent les gens du voyage, il y a un manque cruel de sites pour des séjours temporaires ou de longue durée ____________ Les gens du voyage sont de plus en plus victimes d’expul- sions forcées sans qu’aucune solution de rechange adéquate ne leur soit proposée ____________ Les données existantes sur le bien-être et l’accès aux droits des gens du voyage sont choquantes (espérance de vie inférieure à lamoyenne nationale, mortalité infantile plus élevée, taux de suicide plus élevé, chômage plus élevé, pas accès des enfants à l’éducation ____________ (voir site web de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, https :www.coe.int/commissioner , verbo gens du voyage, article du 4 février 2016 intitulé « il est temps de remédier à l’hostilité profonde à l’encontre des gens du voyage) » ; Attendu qu’un peu plus loin dans le même communiqué, le Commissaire européen aux Droits de l’homme signale : « Il faut prendre des mesures énergiques pour accroître le nombre et la qualité des sites disponibles pour les gens du voyage ____________ Cependant, de bonnes pratiques existent. Les activités de médidation entre les gens du voyage, les pouvoirs locaux et les com- munautés locales sont un moyen efficace de trouver des solutions concertées à la pénurie de sites. Il faut promouvoir et reproduire ces pratiques qui supposent la participation active des gens du voyage ____________ Les autorités doivent éviter les expulsions et chercher des solutions de rechange conformes aux droits de l’homme car les expulsions sont traumatisantes, perturbent l’éducation des enfants et entravent l’intégration sociale ____________ ». Attendu que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale ; Attendu que cette disposition a précisément été appliquée dans des cas d’expulsion des gens du voyage où la France et la Rus- sie ont été condamnées (Cour européenne des droits de l’homme, 17 octobre 2013, affaire Winterstein et autres c./ France ; Cour euro- péenne des droits de l’homme, 11 octobre 2016, affaire Bagdonavicius c./ Russie, 19841/06); Attendu que la Cour a considéré que l’expulsion des gens du voyage met en jeu outre le droit au respect du domicile, leur droit au respect de leur vie privée et familiale (Arrêt Winterstein précité, § 142) ; Attendu qu’en cas de perte d’un logement, toute personne qui risque d’en être victime doit en principe pouvoir en faire examiner la proportionnalité par un tribunal (Arrêt Winterstein précité, § 155) ; Attendu que l’appartenance des gens du voyage à unemino- rité vulnérable, à un groupe socialement défavorisé et leurs besoins particuliers à ce titre doivent être pris en compte dans l’examen de proportionnalité (Arrêt Winterstein précité, § 160) ; Attendu, en outre, que des offres de relogement doivent leur être fournies et que de véritables consultations doivent être menées à ce sujet avec les intéressés (Arrêt Bagdonavicius précité §§ 104, 106, 107 et 108) ; Attendu ainsi que le juge confronté à une telle situation est tenu de mettre en balance les droits du propriétaire et des occu- pants ; Attendu en effet que si il y a une ingérence tendant à res- treindre le droit au respect de la vie privée et familiale, comme cela est prévu par l’article 8.2, celle-ci ne peut pas être disproportionnée; Attendu que tel est le cas en l’espèce ; Attendu, en effet qu’il n’est pas établi que la requérante a, à un moment quelconque, essayé de rencontrer directement les gens du voyage notamment pour connaître leurs intentions quant à l’occupation du terrain lui appartenant ; Attendu par ailleurs que la requérante n’a pas davantage tenté de joindre la personne de référence de la ville de Charleroi chargée de tenter de régler ce genre de situation (voir le site web cohesionsociale.wallonie.be accueil des gens du voyage enWallonie et coordonnées des agents locaux locaux en charge de l’accueil) ; Attendu que la requérante n’a pas non plus pris contact avec un service de médiation ; or il faut savoir à ce sujet que la Région wallonne subsidie précisément le Centre demédiation des gens du voyage et des roms en Wallonie (voir le site web cmgv.be) ; Attendu que la requérante n’a pas non plus essayé de re- chercher une solution de relogement qu’elle aurait pu proposer aux gens du voyage ; Attendu qu’au vu de ce qui précède et dans l’état actuel du dossier, il apparaît que la demande n’est pas fondée ; Attendu en effet qu’expulser des gens du voyage ainsi que leur famille dans de telles conditions, irait à l’encontre de l’article 23 alinéa 1 de la Constitution qui garantit à chacun le droit demener une vie conforme à la dignité humaine (cfr. à ce sujet J.P. Verviers, 30 juin 2000, Les Echos du Logement , 2000, p. 119 et suivantes, note Luc THOLOME ; Nicolas BERNARD, «Quel droit au logement pour les gens du voyage?», Les Echos du Logement , 2012, p. 15 et suivantes à propos de l’article 23 de la Constitution). �
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