Les Échos du Logement n°124
55 LE BAIL COMMERCIAL DE COURTE DURÉE —— Lorsque, après l’échéance convenue, le preneur reste dans les lieux sans opposition du bailleur dans le mois, de sorte que la durée totale d’occupation des lieux excède un an ; —— Lorsque, après reconduction(s) du bail et arrivée de l’échéance, le preneur reste dans les lieux sans opposition du bail- leur dans le mois, de sorte que la durée totale d’occupation des lieux excède un an. Les conditions financières du bail ainsi «transformé» depuis son entrée en vigueur en bail commercial classique de 9 ans, sont celles fixées dans le bail de courte durée 6 , sans préjudice du droit à la révision triennale du loyer organisé par l’article 6 de la loi sur les baux commerciaux. On peut s’interroger sur la situation du preneur dont le bail aurait été conclu pour une durée inférieure à un (1) an (par exemple pour 3 mois) et qui continue d’occuper les lieux à l’expiration de la durée convenue sans opposition de son bailleur dans le mois de l’échéance du terme. A défaut d’écrit consacrant expressément une reconduction du bail, le bailleur peut-il, durant les quelquesmois qui suivent l’échéance, exiger le départ de son locataire alors qu’il n’a pasmanifesté son opposition dans lemois? Puisque la fin du bail est prévue de plein droit à son échéance, une tacite reconduction telle que prévue par le droit commun du bail semble exclue 7 – puisque l’article 2, alinéa 2, 1° n’autorise la reconduction que par un « accord des parties expressément exprimé par écrit » –, tandis que le bail ne pourra se transformer en bail commercial «classique» qu’à l’issue du délai d’un an prévu par l’article 2 du décret. Il semble donc que le bailleur puisse exiger le départ du locataire à tout moment durant la période qui suit la date d’échéance du bail de courte durée et précède la date à laquelle celui-ci devient bail de 9 ans, par dépas- sement de la durée maximale d’un an. En d’autres termes, sauf si le preneur demeure dans les lieux sans opposition du bailleur à l’issue d’une période d’occupation d’un an, le preneur ne peut se prévaloir à l’égard du bailleur d’aucun droit de préférence, lui permettant de rester dans les lieux pour y pour- suivre son commerce sur la base d’un contrat de bail commercial «classique» de 9 ans. Bien entendu, les parties peuvent accorder un tel droit au locataire, en stipulant un pacte de préférence dans le contrat de bail de courte durée. Le bail de courte durée peut également prendre fin à tout moment moyennant préavis du preneur d’un mois au moins et en- voyé par lettre recommandée. Aucun droit de résiliation unilatérale n’est prévu au bénéfice du bailleur. L’article 3 du décret précise en outre que la résiliation de commun accord doit être constatée par écrit 8 . 6. Travaux dans le bien loué. Le preneur peut, sauf convention écrite contraire, effectuer « toute transformation au bien loué qu’il juge utile pour son commerce » 9 , à certaines conditions toutefois : le coût des travaux ne peut dépasser le loyer d’une année, les tra- 6 Ce qui n’est pas sans danger si le loyer du bail de courte durée comprend, comme le prévoit l’article 4 du décret (et sauf clause contraire), les impôts, taxes, redevances et charges auxquelles l’immeuble est assujetti. 7 Voir le projet de décret du Parlement wallon du 26 janvier 2018, page 3 et le C.R.I.C. N° 94 (2017-2018) page 52 et 53 (proposition d’amendement à l’article 2 prévoyant une reconduction tacite et n’ayant pas été suivie). 8 A la différence de la règle qui prévaut désormais pour le bail commercial «classique» (voy. infra ), l’accord de résiliation ne doit pas nécessairement faire l’objet d’un enregistre- ment pour être valablement formé. 9 Le décret flamand du 17 juin 2016 retient quant à lui la formulation suivante : « le loca- taire a le droit d’effectuer toute transformation au bien loué qui soit utile pour son entreprise » (article 9). Contrairement à son homologue flamand, le décret wallon permet donc d’éviter de potentiels débats quant à la notion d’utilité des travaux car le preneur semble ici seul juge. vaux ne peuvent compromettre la sécurité, la salubrité et la valeur esthétique du bâtiment et il est nécessaire que le bailleur en soit informé 10 par envoi recommandé avant le début des travaux (article 5 du décret). L’article 5 ne requiert donc pas l’accord exprès du bailleur mais ce dernier pourra s’opposer aux travaux pour «justes motifs» dans les dix jours de la réception de l’envoi recommandé (article 6 du décret). A défaut d’opposition dans ce délai, les travaux seront réputés acceptés. Les concepts de «valeur esthétique du bâtiment» ou encore de « justes motifs» donneront nécessairement lieu à appréciation du tribunal. La solution retenue par le législateur wallon est sécu- risante pour le preneur et sévère pour le bailleur : en tout état de cause, ce dernier sera présumé accepter les travaux à défaut de s’y opposer dans le délai imparti. Ce délai, plus court que le délai de 30 jours prévu pour l’opposition aux travaux dans le cadre d’un bail commercial de 9 ans, exige du bailleur une réaction rapide. L’article 6 du décret précise en outre que le bailleur a accès aux travaux à tout moment et peut y déléguer toute personne de son choix. Les travaux entrepris par le preneur s’effectuent à ses risques et périls et le bailleur peut exiger, avant l’exécution des travaux ou en cours d’exécution de ceux-ci, que le preneur assure sa respon- sabilité, celle de ses sous-traitants et celle du bailleur, tant vis-à-vis des tiers qu’entre eux. Si le preneur ne s’assure pas comme le lui a demandé le bailleur, ce dernier peut faire arrêter les travaux, qui ne pourront reprendre qu’après présentation par le preneur au bailleur d’une preuve du contrat d’assurance et du paiement de la prime. Le bailleur sollicite l’arrêt des travaux par requête au Juge de Paix, qui rend une ordonnance exécutoire sur minute et avant enregistrement. Le sort des transformations effectuées aux frais du preneur à l’échéance du bail est abordé par l’article 8 du décret: sauf conven- tion contraire, le bailleur peut en exiger la suppression au départ du preneur, mais il ne peut exiger leur maintien. A la différence de la situation qui prévaut enmatière de bail commercial «classique», si le bailleur conserve les travaux de transformation effectués, ils lui sont acquis sans indemnité. Un sous-locataire bénéficiant d’un baill commercial de courte durée peut également effectuer des travaux au bien loué, aux mêmes conditions que le preneur et en avertissant ce dernier ainsi que le bailleur (par envoi recommandé avant le début des travaux). 7. Vente du bien loué. L’acquéreur (à titre gratuit ou onéreux) du bien loué se doit de respecter le bail enregistré et ne peut expul- ser le preneur. 8. Procédure. Les articles 10 et 11 du décret concernent la procédure en matière de bail commercial de courte durée. Le juge de Paix du lieu de la situation de l’immeuble est compétent pour connaître des contestations fondées sur le décret ainsi que les demandes connexes qui naîtraient de la location d’un fonds de commerce et ce, nonobstant toute convention contraire antérieure à la naissance du litige. En cas de pluralité d’immeubles indépen- dants, le juge de Paix territorialement compétent est celui du lieu de l’immeuble présentant le revenu cadastral le plus élevé. Le demandeur peut faire appeler le futur défendeur en conciliation. L’issue de la conciliation sera constatée par procès- 10 A la différence de ce que l’article 7 de la loi sur les baux commerciaux prévoit pour les baux commerciaux «classique», le décret oblige le preneur à « informer» le bailleur des travaux qu’il envisage d’entreprendre, mais ne rend pas obligatoire la communication des plans et devis relatifs à ces travaux.
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