Les Échos du Logement n°124
47 CARINE PUYOL FEDER ET LOGEMENT SOCIAL majoritairement de propriétaires, a mis en place un prêt à taux préférentiel, avec l’appui du FEDER pour encourager les rénovations des copropriétés. On observe aussi un intérêt pour le Fonds Européen d’Investissement Straté- gique (FEIS) et pour les prêts BEI de la part des acteurs du logement. Depuis de nom- breuses années, la BEI est l’un des principaux financeurs des infrastructures publiques et sociales, y compris du logement social, du Royaume Uni. En France, la Caisse des Dé- pôts et Consignations, Actions Logement et la BEI ont lancé un «Prêt de haut de bilan», hors normes, pour un apport en quasi fonds propres pour les Organismes HLM, avec une durée de remboursement de 30 à 40 ans avec pour objectif d’accélérer la rénova- tion. Au total, ce sont 3 milliards qui ont été apportés dont 1 de la BEI, avec une moyenne d’intervention évaluée à 10 000 euros par logement rénové. Le soutien du FEIS peut aller directement à une entreprise, à l’instar de l’entreprise CDCHabitat qui a contracté un emprunt de 200millions (770millions au total) auprès du FEIS. L’octroi de ces prêts boni- fiés et de ces subventions européennes sont conditionnés à des niveaux précis d’efficacité énergétique, ils sont d’autant plus favorables que les niveaux sont élevés. De la complexité des financements européens A travers ces exemples, une vraie volonté politique se dessine de la part de l’Union européenne d’investir dans le logement so- cial et la rénovation thermique. Cependant, il n’y a pas, malgré les besoins importants, une mobilisation de cette masse financière dans l’ensemble des Etats membres. Voici quelques difficultés rencontrées qui pour- raient expliquer ce constat. Les porteurs de projets doivent surmonter de nombreuses difficultés pour aller jusqu’au bout. Dans le cas précis du FEDER, son utilisation suppose l’existence de financements nationaux, le FEDER n’étant qu’une co-subvention, il ne peut intervenir seul. Il arrive que dans cer- tains pays, les aides publiques nationales ou locales soient inexistantes, ou très faibles pour le logement. Le FEDER suppose aussi une ingénierie de projet conséquente, qui pour le cas du logement social, défini par l’Etat membre comme mission économique d’intérêt général, suppose une procédure de contrôle d’absence de surcompensation, imposée par le règlement n° 2012/21/UE. Il s’agit d’un régime d’aide d’état spécifique aux services publiques, favorable au logement social, mais qui impose aux entreprises de montrer, projet par projet dans le cas du FE- DER, qu’ils n’ont pas reçu plus d’aides d’Etat que nécessaire par rapport à la mission de service public, pendant plusieurs années après la fin du projet. Il est donc impératif que les autorités de gestions en charge de la ges- tion des fonds structurels et les porteurs de projets aient une connaissance approfondie des règles et soient en capacité de les appli- quer, ce qui n’est pas toujours le cas. Par ailleurs, les pays qui utilisent le plus les financements européens, comme les prêts de la BEI ou le FEIS, pour financer le logement social, sont ceux qui bénéficient d’une législation en matière de logement social stable, avec des acteurs structu- rés qui donnent confiance aux partenaires financiers, ce qui n’est pas le cas de tous les pays, en particulier, les pays de l’est où les besoins en réhabilitation sont souvent les plus importants et les acteurs structurés quasi-inexistants. Les incertitudes sur l’avenir de ces financements L’avenir des opportunités financières pour continuer à accompagner le financement de la rénovation thermique du logement social est aujourd’hui incertaine, car suspendu aux décisions budgétaires. Les débats sur leur avenir ont débuté cette année et vont se poursuivre pendant le premier semestre 2019, en espérant qu’un accord puisse voir le jour avant les élections du nouveau Parlement européen. L’équation est difficile à résoudre et peut se résumer ainsi, comment l’Europe peut faire plus, avecmoins? En effet, l’UE de- vra répondre au défi de définir un cadre finan- cier, qui compense la perte de la contribution britannique, à la suite du Brexit, et prenne en compte les nouvelles priorités que sont la défense, la sécurité et l’immigration, sans abandonner les territoires et l’agriculture. Si l’on se focalise uniquement sur les enjeux du logement, les premières pro- positions sont plutôt encourageantes : la transition énergétique demeure une priorité, ainsi que l’accès au logement des commu- nautés marginalisées (une des expressions concrètes de la mise en œuvre du socle eu- ropéen des droits sociaux adoptés en 2017, et dont l’accès au logement est l’une des priorités), la politique de cohésion devrait continuer à couvrir toutes les régions. Le nouveau FEIS devrait pouvoir financer des projets plus petits, et donner un donner un rôle plus important aux banques publiques et promotionnelles que sont la banque du Conseil de l’Europe, la Caisse des Dépôts, ou la KFW, acteurs financiers qui ont une bonne expertise des territoires et de leurs besoins. Il reste que tout cela devra passer à la «mou- linette» du Parlement Européen et du Conseil, qui devront se décider sur le budget, et se mettre d’accord sur les différents règlements liés à ces financements, en tenant compte des contraintes du calendrier électoral. Il est bien évident que certains de ces aspects dépassent complètement les acteurs du logement social, en particulier ceux liés aux aspects budgétaires, néan- moins, il est important que l’UE n’oublie pas cette question fondamentale pour ses citoyens, quel que soit les territoires, comme le rappelle le Président Housing Europe, Cé- cric Vanstyvandael «Si l’Europe veut remplir ses objectifs en matière climatique, elle ne peut le faire sans des opérateurs structurés et expérimentés […]. Nous savons que nous sommes capables de renforcer nos actions pour une énergie propre, tout en tractant la filière de construction pour des bâtiments performants, tout en prenant en compte les modes de vie des habitants. Il ne s’agit pas d’une question de faisabilité technique, nous avons toujours su anticiper les règlementa- tions techniques. Mais il s’agit bien d’exami- ner la faisabilité sociale et économique, qui aujourd’hui dans beaucoup d’Etatsmembres est remise en cause […] » Les bailleurs so- ciaux ont besoin d’un cadre financier stable et connu afin d’atténuer les risques finan- ciers. L’argument purement économique en faveur d’une rénovation du logement social reste fragile et dépend fortement d’un éven- tuel soutien public. À ce jour, l’apport des marchés semble minimal, sans doute en rai- son du rendement assez bas anticipé dans le secteur, d’où l’importance que l’UE poursuivre ses objectifs, entrepris depuis 10 ansmainte- nant. �
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