Les Échos du Logement n°124

45 SANDRINE MEYER « MIETSPIEGEL » ET GRILLES DE LOYER d’eau chaude sanitaire, la présence d’une chaudière à condensation, le fait d’avoir un logement passif, etc. est également listée. Contrairement à la Région bruxel- loise, aucune référence n’est faite au niveau de certificat PEB atteint par le logement. La valeur monétaire attribuée à chaque élément n’est pas publique et difficile à isoler des autres critères vu le nombre de variables incluses dans le calcul. Il n’est donc pas évident de se rendre compte de l’impact de ces différents éléments sur le loyer de référence selon la localisation et le type de bien considéré. Apports et limites de ces grilles indicatives par rapport à la rénovation énerg- éthique du parc résidentiel locatif – éléments de réflexion Les « Mietspigels » allemands et les grilles indi- catives wallonne et bruxelloise se basent sur le même principe: donner une indication sur un prix «normal» pour un logement à louer en fonction de diverses caractéristiques. Ces ca- ractéristiques sont évaluées sur la base de la valeur monétaire que le marché leur attribue. Deux constats sont à poser. Premiè- rement, le « Mietspiege l » n’a pas empêché l’inflation des loyers dans certaines localités particulièrement sous pression : il l’a ralen- tie et lissée dans le temps. Une telle grille de loyer basée sur les prix demarché ne semble donc pas autosuffisante pour assurer une politique de logement accessible à certains pans de la population en zone tendue. Deu- xièmement, pour des territoires où la rénova- tion énergétique des logements est encore émergente comme enWallonie et à Bruxelles, il semble que la valeur attribuée par lemarché aux critères de performance énergétique des logements soit encore loin de compenser la charge d’investissement du bailleur – et ce quels que soient les critères intégrés dans la grille de loyer : niveau de PEB ou présence de certains éléments spécifiques supposés améliorer l’efficience énergétique du loge- ment (ex : thermostat, chaudière à conden- sation, etc.), ou que l’investissement ne fasse pas partie des éléments repris dans le calcul du loyer de référence  23 . Les grilles (indicatives) de loyer basées sur le prix de marché, même en in- tégrant des facteurs liés à la performance énergétique, ne semblent donc pas être, à elles seules, un incitant pour faire décoller la rénovation énergétique du parc locatif rési- dentiel en permettant de solutionner le « split incentive » entre locataire et propriétaire  24 . A contrario, les logements performants sur le plan énergétique, ayant généralement un loyer plus élevé que leurs homologues non performants, risquent d’être pénalisés dans la recherche de logement par les locataires (ex: moteur de recherche basé sur un loyer maxi- mum) et devront justifier clairement leur sur- coût par rapport au loyer de référence pour ne pas être assimilés à des loyers abusifs  25 . La combinaison de deux objectifs différents, à savoir accroître la transparence des prix sur le marché locatif résidentiel et promouvoir l’efficience énergétique des lo- gements loués, semble très complexe à faire sur base de cet unique outil. Ils seraient plus conciliables si la base de calcul était autre que le prix dumarché (on peut alors inciter les bonnes pratiques de rénovation énergétique en leur octroyant un bonus par exemple) mais nous serions dans un changement complet de paradigme puisque ce ne serait plus le mar- ché qui dicterait la valeur des biens (loués)  26 . Par ailleurs, les grilles indicatives pré- sentées dans ce document ne portent que sur la valeur du loyer alors que le coût du loge- ment pour lesménages comporte aumoins le loyer et les charges énergétiques (voire éga- lement les charges liées à la consommation d’eau). L’intégration de facteurs correcteurs du loyer en fonction de la présence d’équipe- ments d’économie d’énergie ou de la perfor- mance énergétique du logement (label PEB) joue à la hausse sur la partie loyer mais il n’y a aucune certitude, aucune garantie, que ces facteurs auront un impact réel sur la consom- mation des occupants. Si le comportement de ces derniers influence certainement la donne, on sous-estime souvent que l’état, l’entretien et la maintenance adéquats, le bon dimensionnement et le pilotage correct des installations peuvent également faire une 23 Retours d’expériences liés aux entretiens qualitatifs auprès de bailleurs wallons, réalisés au cours du projet Energ-Ethic. 24 Voirnotamment l’articledeMeyerS«Secteurrésidentiel locatif : le défi de la convergence des intérêts en matière de rénovation énergétique» in Les Echos du Logement n°122 pp. 25 Idem. 26 Changement de paradigme défendu par ailleurs par l’International Union of Tenants (IUT) qui demande dans son «position paper» de mai 2018 que les loyers soient décou- plés des prix du marché (http :/ /www.iut.nu/wp-content/ uploads/2018/07/IUT-position-paper-for-the-EU-Partner- ship-for-Housing-040518FINAL.pdf). différence notoire sans que l’occupant ne soit d’office responsable  27 . Les démarches dumonde associatif, tant en Allemagne avec le calcul du ’ Heizgu- tachten ’qu’en Belgique  28 , semblent aller dans le sens de rendre plus transparent le coût global d’un logement (loyer + charges énergétiques). Cette approche permettrait de mettre en avant les économies réalisées sur les factures énergétiques grâce à un lo- gement performant et donc de compenser le potentiel surcoût lié au loyer seul. Néan- moins, l’estimation de la facture énergétique des ménages en est encore à ses balbutie- ments et peu de modules sont déjà à même d’intégrer des facteurs liés à la performance énergétique du logement ayant une réelle influence sur la consommation. Chercher à solutionner le « split-in- centive » entre bailleur et locataire au sujet de la rénovation «énerg-éthique» au travers d’une grille indicative de loyer intégrant des attributs d’efficience énergétiquemais basée sur les prix du marché semble donc pour le moins optimiste à l’heure actuelle, surtout dans une situation où les logements efficients font figurent d’exception sur le marché loca- tif. A terme, quand les performances énergé- tiques d’une part non négligeable dumarché auront été améliorées, une telle grille pourrait inciter les bailleurs encore inactifs à passer également le cap de la rénovation. Par ailleurs, proposer une vision des coûts globaux semble également nécessaire afin de sensibiliser d’une part les locataires au fait qu’il est souvent plus intéressant de payer un loyer un peu plus cher pour un loge- ment performant qui leur permettra de faire des économies sur les factures énergétiques et de vérifier d’autre part que les consomma- tions réelles des logements dits performants n’outrepassent pas les consommations théoriques attendues, signe probable d’un disfonctionnement dans l’écosystème, qu’il faudrait résoudre. � 27 Bruxelles-Environnement a ainsi récemment fait faire une étude sur les surconsommations d’énergie dans les logements neufs ou rénovés basse énergie (Méthos 2017. De l’usage des bâtiments performants en région Bruxelles Capitale – Étude ethnographique pour une plus grandemaî- trise (de l’ambition, des coûts et de l’usage), rapport pour Bruxelles Environnement. 132 p.). Cette étude pointe les dif- férents disfonctionnements expliquant une consommation réelle nettement supérieure à la consommation théorique- mentattenduedansdes logementspassifsetbasseénergie. Ceux-ci portent à la fois sur la conception (ex : non prise en compte des caractéristiques des occupants et placement debouchesdeventilationauplafondalorsque lesoccupants âgés doivent les nettoyer régulièrement) et lamise enœuvre (ex:malfaçon,erreurs),maisaussi l’entretien, lamaintenance ou le réglage des installations en phase d’exploitation et le manque d’accompagnement sur la «prise en main» d’un logement économe en énergie par les nouveaux occupants. 28 Voir notamment le site Social-Energie qui propose un module simple d’estimation de la facture énergétique des ménages bruxellois sur base de quelques caractéristiques du logement et duménage (http ://www.socialenergie.be/fr/ consommation/consommations-de-reference/comparer- aux-consommations-de-reference/).

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