Les Échos du Logement n°124

44 LES ÉCHOS DU LOGEMENT N°124 INTERNATIONAL tiques du logement  7 et sur les prix dumarché observés au cours des trois dernières années pour un bien équivalent. Il est appliqué tant par le secteur public que le secteur privé. Seuls les logements sociaux municipaux n’y sont pas soumis. Sa méthodologie est définie au ni- veau national mais son application effective se décline localement : il n’y a pas en réalité un seul mais bien des « Mietspiege ls» alle- mands, simples  8 ou qualifiés  9 selon les cir- constances  10 . Le marché résidentiel locatif alle- mand privilégiant la relation à long terme entre le bailleur et le locataire, et donc la stabilité d’occupation, il y avait un risque de dégradation progressive du parc par manque d’intérêt de la part du bailleur pour entretenir, rénover ou moderniser son patrimoine. Plu- sieurs mesures sont donc venues compléter l’arsenal règlementaire pour permettre aux bailleurs de transférer une partie des coûts d’investissement vers le locataire en place. Le bailleur peut ainsi non seulement accroître le loyer en cours de bail dans les limites du « Mietspiegel » (si des caractéristiques de base du logement ont été modifiées) mais aussi faire payer par le locataire, sur base annuelle, l’équivalent de 11%du coût transfé- rable des travaux sans que le locataire puisse contester ces hausses  11 . En contrepartie, en cas de défaillance d’un attribut du logement (ex : chauffage en panne), le locataire peut obtenir une réduction de loyer. 7 Initialement, la régulation des loyers sur base de cri- tères objectifs associés au logement a pour objectif de lutter contre l’asymétrie d’information existant entre le bailleur et le locataire à propos de la qualité du logement proposé ou contre la concurrence imparfaite. Cette logique s’inspire directement du cadre de la théorie économique du bien- être, dans laquelle l’Etat intervient pour assurer les quatre règles de base assurant l’efficience économique dumarché: l’information parfaite, la concurrence parfaite, des marchés complets et sans failles (Barr, 1998 in Haffner et al., 2007 :3). 8 Cologne possède par exemple un « Mietspiegel» simple basé sur différents critères tels que la localisation, l’âge, la taille et l’équipement du logement. Chaque critère obtient un score selon sa catégorie et certains attributs. L’âge du logement peut par exemple être modifié en fonction de travaux de modernisation ou de modification du code de l’urbanisme. Dans certains cas, le « Mietspiege l» simple est juste le résultat d’un accord entre les associations locales de propriétaires et de locataires plutôt que d’un calcul basé sur des statistiques immobilières. 9 Depuis la réforme de 2001, uneméthode plus complexe (ou « Mietspiegel qualifié ») a été développée pour offrir une sécurité juridique plus importante (une fois adoptée, elle est opposable aux tribunaux), tandis que la méthode simple a un rôle essentiellement informatif. Ce sont généralement les grands centres urbains sous pression qui y recourent (ex : Dresden, Berlin, Hamburg, Munich). Laméthodologie de calcul est basée sur desméthodes scientifiques reconnues (ex : table multicritère extensive et/ou régressions statis- tiques). 10 Fitzsimons J., 2014. The German private rented sector – A holistic approach. Working Paper. The Knowledge Centre for Housing Economics. 167 p. 11 ADEME, 2009. Réhabilitation du parc locatif privé – Avec les nouveaux mécanismes de financements issus du Gre- nelle, un système gagnant-gagnant propriétaire-locataire. Stratégie & Etudes. Malgré cette recherche d’équilibre entre les deux parties, plusieurs critiques se sont élevées suite aux abus constatés dans certains quartiers sous pression, notamment à Berlin  12  : lemécanisme du « Mietspiege l» n’a pas permis de lutter contre la hausse consé- quente des prix du logement, il l’a juste lissée et amortie dans le temps  13 . La modernisa- tion des logements, notamment sur le plan énergétique, semble avoir favorisé un effet de gentrification de ces quartiers  14 . Plusieurs associations ont égale- ment pointé le fait que les « Mietspiege ls» n’incluent pas vraiment de critère lié à la performance énergétique du logement. Le locataire n’a donc aucune vision claire de ce que représentera son coût global, loyer plus charges énergétiques. La possibilité d’intro- duire un critère lié au niveau PEB du logement dans un « Eco-Mietspiegel » est en cours de réflexion mais pose toutefois le problème de ne pas garantir une baisse effective de la consommation énergétique des locataires  15 . Une autre approche développée par les associations de locataires penche plutôt sur une estimation de la facture énergétique du ménage en fonction de ses caractéris- tiques et de celle du logement (« Heizgu- tachten ») qui viendrait en complément au « Mietspiegel ». Ici aussi, la réflexion est en cours sans réponse définitive au problème. Qu’en est-il de nos grilles indicatives de loyer? Au niveau belge, les régions bruxelloise et wallonne ont chacune développé assez ré- cemment des grilles indicatives de loyers  16 . Comme pour le « Mietspiege l» allemand, elles se basent toutes deux sur les prix du mar- ché et cherchent à informer le locataire sur l’(in)adéquation du loyer demandé avec les 12 Unaffordable cities : Berlin the renters’haven hit by green fog of eco-scams, The Gardian, 11 February 2014. 13 Fitzsimons J., 2014. The German private rented sector – A holistic approach. Working Paper. The Knowledge Centre for Housing Economics.167 p. 14 Les travaux de rénovation ont, en effet, été parfois ef- fectués demanière abusive ou ont servi de prétexte pour se débarrasser d’un locataire avec peu demoyens. L’abus s’est manifesté notamment lors de simples annonces de travaux avec hausse de loyer conséquente, alors que les travaux n’ont jamais été réalisés au départ du locataire incapable d’assumer la hausse attendue de loyer. 15 Les labels PEB reflètent en effet une consommation d’énergie primaire théorique, souvent exprimée par m² habi- table de logement. Ils ignorent non seulement les modes d’occupation mais aussi les comportements de consom- mation des habitants. En outre, le label PEB n’est pas une garantie contre les éventuelles malfaçons ou réglages ina- déquats. 16 Voir respectivement https ://loyers.brussels/ et http :// spw.wallonie.be/dgo4/site_grilleloyers/ pour plus de détails sur leur composition. caractéristiques du logement. Dans les deux cas, une attention particulière a été portée aux aspects de performance énergétique des logements en tentant d’intégrer cette préoc- cupation dans le loyer de référence calculé. La grille bruxelloise s’applique à un territoire urbain sous pression immobilière forte. La nouvelle version de 2018, en cours d’évaluation, se base sur l’influence statis- tique d’un nombre limité de paramètres sur les loyers issus de trois enquêtes de l’Obser- vatoire des Loyers (2012, 2013 et 2015). Elle distingue la localisation (par type de quar- tiers  17 ) et la surface habitable comme critères primordiaux à la fixation du loyer, complétées par une série de critères de confort. La performance énergétique, quant à elle, y est intégrée en se référant non seule- ment au certificat PEB des logements loués mais aussi à différents éléments de confort thermique : —— la présence d’un chauffage central  18  ; —— l’absence d’un système de régulation (thermostat ou vannes thermostatiques)  19  ; —— la présence de double-vitrages par- tout dans le logement  20 . La grille wallonne, dans sa version actuelle en cours d’évaluation  21 , s’étend sur l’ensemble du territoire régional, couvrant dès lors des zones aux situations immo- bilières très variées passant de la zone complètement détendue à des zones sous pression spéculative. Elle est, en outre, plus complexe en termes de facteurs d’efficience énergétique pris en considération. Le loyer de référence  22 est par exemple augmenté si le logement est équipé : —— d’un thermostat ; —— de vannes thermostatiques ; —— d’une sonde extérieure ; —— de double ou triple vitrages partout ; —— d’isolation thermique des murs / de la toiture ou du plafond / du sol). Une série d’éléments justifiant un loyer moindre (malus) ou plus élevé (bonus) tels que l’âge et le bon fonctionnement du système de chauffage ou de production 17 7 quartiers-types ont été définis et à chacun s’applique un prix de base moyen au m². 18 La présence de chauffage central entraîne une hausse forfaitaire de 50€ du loyer de base. 19 La présence d’une régulation thermique accroît forfai- tairement le loyer de base de 34€. 20 Le fait d’avoir du double vitrage au moins à toutes les fenêtres accroit le loyer de base d’un montant forfaitaire compris entre 7€ et 21€ selon le quartier considéré et si l’on regarde la limite inférieure ou supérieure de la fourchette appliquée autour du loyer de base. 21 Voir notamment l’article de Pradella S. et Kryvobokov M. «Évaluation de la grille indicative provisoire des loyers en Wallonie» in Les Echos du Logement n°122 pp. 27-29. 22 Qui dépend notamment de la localisation, du type et de l’année de construction, de la superficie et du nombre de chambre du bien.

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