Les Échos du Logement n°124

33 BERNARD DEPREZ & ISABELLE PRIGNOT LABEL ECOQUARTIERS QUARTIERS DURABLES? Label Ecoquartiers : une fausse bonne idée? BERNARD DEPREZ & ISABELLE PRIGNOT ULB Architecture En mai, la RTBF s’intéressait à la profusion de nouveaux «écoquartiers» et se demandait s’il ne fallait pas imposer un cahier des charges pour les labelliser. Interrogés par le journaliste Simon Bourgeois, nous avons consacré ces 20 secondes de célébrité radiophonique à dire que pour aller au-delà de la simple «réclame», il faudrait réussir à mesurer «comment les gens vont y habiter», ce qui n’est «pas simple». Les Échos du Logement nous invitent à revenir sur la question… Un label apporte une garantie, une forme d’objectivité sur la qualité de l’objet labellisé. Mais il n’en garantit pas le bon usage. Pour vérifier l’efficacité d’un label «écoquartier », il faudrait mesurer « comment les gens habitent ». C’est un rêve de scientifique qui implique un examenminutieux desmodes de vie réels, auquel peu d’habitants consenti- raient. Les labels, standards et autres normes tiennent donc leur légitimité de ce paradoxe à la fois technique et éthique : ils permettent de concevoir des habitats cohérents, sans apporter la preuve d’une efficacité réelle – les habitants restant libres d’y vivre à leur guise. Un quartier à l’épreuve de ses habitants Pour qu’un quartier soit – dans la pratique – durable, suffit-il que ses habitants puissent y vivreunmodedeviesoutenable?Passisimple, comme en témoignent plusieurs expériences, dont celle du micro-écoquartier BedZED réa- lisé en 2002 au sud de Londres. Ses 82 loge- ments et 2 500m² de locaux d’activités ont été conçus par l’architecte Bill Dunster  1 avec les 1 www.zedfactory.com   www.bioregional.com/oneplanetliving/ asbl Peabody et BioRegional pour permettre aux habitants de diviser par trois (réduction de 66%) leur empreinte écologique et vivre avec «une seule planète». Le projet a reçu le Prix de l’Architecture durable décerné en 2003 par l’ordre britannique des architectes. BioRegional a suivi les habitants pendant sept années, puis publié un rapport  2 en 2009 indi- quant que si les habitants les plus motivés avaient réduit leur empreinte de 43% (voir tableau), l’ensemble des résidents n’attei- gnait qu’une réduction moyenne de 11%, loin des 66%espérés. Pourquoi? Principalement parce qu’ils consomment lesmêmes produits que les autres Britanniques. Pas facile de vivre à contre-courant de la société ! Outre les biens de consommation, les moins bons résultats concernent lamobilité: si les BedZE- Dois utilisent leurs voitures 50% en moins et le bus 50%en plus que leurs voisins, certains parcourent trois fois plus de kilomètres en avion… ce qui anéantit les efforts consentis au fil de l’année pour quelques week-ends de loisir ! La différence entre 11% (de réduction moyenne) et 43% (de réduction des habitants «engagés») s’explique donc par des choix de consommation différents. BedZED pointe non pas l’échec d’un écoquartier, mais l’existence d’une marge importante «d’interprétation» 2 BioRegional, BedZED seven years on, The impact of the UK’s best known eco-village and its residents , 2009. et donc de progression. Ce quartier est conçu pour un mode de vie dont les habitants font jour après jour l’apprentissage. Ainsi, une la- bellisation de quartier durable resterait sans grand effet si n’est pas soutenu d’abord un mode de vie anti-consumériste  3 , dont les ha- bitants deviendraient les premiers «experts d’usage». Au minimum, cela permettrait de construire des infrastructures qui, au fil du temps, prendraient tout leur sens. En effet, les bâtiments (construits à BedZED selon un standard quasi passif) offrent ici la réduc- tion de consommation la plus élevée, tous occupants confondus, l’économie allant de 42 à 68% par rapport aux consommations moyennes des riverains. Ils sont les plus effi- caces et les plus fiables du dispositif d’éco- quartier. Des référentiels existent Bien sûr, des référentiels d’écoquartiers existent. Certains labels internationaux payants sont garantis par des institutions indépendantes (LEED, BREEAMpour les plus connues  4 ) et s’intéressent surtout au mar- ché d’achat/vente des biens immobiliers. D’autres référentiels sont issus d’initiatives publiques, comme le Mémento  5 bruxel- lois (2009), le Duurzaamheidsmeter gantois (2010) aujourd’hui adopté en Flandre  6 , le label 3 George Monbiot, The problem is not plastic. It is consumerism , 12.09.2018. www.monbiot.com/2018/09/12/plastic-soup/ 4 http :/ /leed.usgbc.org/nd.html  ; www.breeam.com/ discover/technical-standards/communities/ 5 http ://document.environnement.brussels/opac_css/ elecfile/GIDS_2010_QuartierDurable_Mem 6 https :/ /do.vlaanderen.be/duurzaamheidsmeter-wijken

RkJQdWJsaXNoZXIy MTc4MDMy