Les Échos du Logement n°124

26 LES ÉCHOS DU LOGEMENT N°124 POLITIQUE DU LOGEMENT Vers un habitat peu dépendant de la voiture Un habitat frugal est un habitat qui induit peu de déplacements motorisés. Si l’on constate une forte réduction des émis- sions de GES liées au chauffage résidentiel, on ne peut que regretter leur forte augmenta- tion (+ 26%depuis 1990) dans le secteur des transports  7 . Or ce secteur concerne l’habi- tat tout autant que le chauffage. En effet, la croissance des émissions liées au transport résulte de l’augmentation du nombre de voi- tures, de leur cylindrée et des kms parcourus. Pourquoi cette augmentation? En raison de la dispersion toujours plus grande de l’habitat, de l’étalement urbain qui favo- rise les déplacements pendulaires entre ville et périphérie. Mais également en raison de l’absence d’alternatives à la voiture, suffi- samment réalistes du point de la vue de la fréquence, de la sécurité, de l’agrément,…et cela en ville comme à la campagne. Si des objectifs et mesures ambi- tieuses ont été pris ces dix dernières années pour améliorer la performance énergétique des bâtiments, c’est moins le cas concer- nant la gestion du territoire et la maîtrise des déplacements. Des changements structurels sont nécessaires pour endiguer l’étalement. Mais pour aujourd’hui, la question se pose surtout de savoir comment utiliser l’habitat existant, donc très dispersé, pour réduire les déplacements motorisés et habiter plus frugalement. Les voies à suivre sont bien connues : —— privilégier les façons de vivre (travail, loisir, achats,…) qui limitent l’usage de la voi- ture, —— favoriser l’habitat dans les terri- toires où les alternatives à la voiture sont (ou peuvent un jour devenir) possibles. Il faut accepter l’idée que dans cer- tains quartiers, notamment ceux de péri- phérie ou dans les villages, la dépendance à la voiture restera toujours forte. Leurs habi- tants continueront à se déplacer en voiture fréquemment et sur de longues distances. Mais on peut y réduire les déplacementsmo- torisés en adoptant de nouvelles pratiques : le télétravail, l’utilisation du vélo à assistance électrique qui permet de se déplacer sur de longues distances, le covoiturage non seu- lement pour le travail mais aussi pour les déplacements des enfants et les courses hebdomadaires,… La mise en place de loge- 7 Source AWAC, chiffres de 2016, www.awac.be ments et d’infrastructures adaptées encou- rage ces pratiques : parkings et plateformes d’information pour covoitureurs, parkings de délestage à proximité des centres, auto- routes à vélos reliant les périphéries à leur centre, parkings à vélo sécurisés,… Mais les alternatives à la voiture sont surtout possibles dans les quartiers situés dans le centre des villes, petites et grandes, voire dans certains gros villages quand on y trouve des lignes de transports en commun à haute fréquence et des services (écoles, commerces, centres sportifs,…). Le retour des habitants vers ces centres est souhaitable et est déjà devenu une réalité dans certains quartiers d’urbani- sation plus denses. Mais il ne se généralisera pas sans une intervention forte des autorités publiques pour y garantir la qualité de vie…et le plaisir d’y habiter. Outre l’offre de services plus impor- tante (cinéma, commerces, soins de san- té,…), l’un des attraits de ces quartiers est la mobilité (douce et en transport en commun), leur principal défaut est également lamobilité (motorisée et individuelle) et les nuisances qu’elle génère. Des actions doivent être menées si- multanément pour que lamobilité douce et en transport en commun soit sécurisée, rapide, agréable et pour que les désagréments de la voiture soient amoindris : réduction de l’offre de stationnement, ralentissement de la cir- culation automobile, sécurisation des voies lentes, priorisation des piétons et cyclistes par rapport aux automobilistes, renforcement de la densité de l’habitat pour garantir une fréquence de passage importante des trans- ports en commun… Dans les deux premières transitions, on a pu voir que les intérêts privés et publics se renforçaient et que leurs initiatives pou- vaient se conjuguer relativement facilement. C’est nettement moins le cas pour cette transition vers une mobilité frugale qui demande la mise en œuvre de politiques publiques peu consensuelles. En effet, en matière de mobilité ur- baine, les demandes peuvent être totalement antagonistes. Ainsi, les personnes habitant les quartiers de périphérie et au-delà souhaitent que l’on fluidifie l’accès vers les centres et que l’offre en stationnement y soit abondante afin de perdre le moins de temps possible dans leurs déplacements. Les commerçants et les autres acteurs économiques situés dans ces centres partagent lesmêmes intérêts par crainte de perdre une clientèle éloignée. En revanche, les habitants des quar- tiers centraux demandent une réduction de la mobilité carbonée, notamment celle issue des déplacements pendulaires des premiers. Toutes les mesures publiques pour évoluer vers unemobilité frugale amène donc immanquablement à composer avec ces pressions contradictoires. On comprend dès lors qu’il n’est pas aisé de faire passer cette transition à la vi- tesse supérieure. Vers un habitat inclusif La Stratégie wallonne de rénovation énergé- tique à long terme des bâtiments  8 prévoit, pour la période 2017-2050, des investisse- ments publics et privés de 63 milliards€.Le plan wallon d’investissements, 2019-2024, prévoit quant à lui 775millions€ pour la réno- vation énergétique des logements publics et privés. Dans ces grands projets, personne ne doit être laissé de côté, autrement dit tout lemonde doit pouvoir en bénéficier. C’est jus- tement l’un des engagements forts du Pro- gramme 2030 adopté en 2015 au niveau des Nations Unies  9  : «  leave no one behind ». Cet engagement cible les publics les plus vulné- rables en raison de leur revenu, leur âge, leur sexe, leur éducation,… L’habitat frugal doit être abordable. De ce point de vue, les 3 premières transi- tions présentent en elles-mêmes de nou- veaux risques d’exclusion. L’accroissement des performances énergétiques augmente le coût de la construction (surcroît d’isolation, double ou triple vitrage, épaississement de la structure portante, système plus perfor- mants de chauffage et de ventilation,…) et re- jaillit sur la vente et la location des logements. Il en est demême avec lesmatériaux biosour- cés ou de réemploi qui sont bien souvent plus onéreux que leurs équivalents industriels ou neufs. Le prix des terrains et du logement à la vente ou en location dans les quartiers de centre est plus important que dans les terri- toires de faible accessibilité. Ces surcoûts peuvent être équilibrés par l’amélioration de la qualité de vie ou par les économies faites sur le chauffage ou les déplacements individuels motorisés,… Mais le temps de retour sur investissement peut être long et ne pas être pris en compte, par exemple, dans la fixation des loyers. L’amélioration des logements peut alors avoir des effets pervers, bien connus 8 energie.wallonie.be/fr/strategie-de-renovation. html?IDC=9580 9 www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de- developpement-durable

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