Les Échos du Logement n°124

24 LES ÉCHOS DU LOGEMENT N°124 POLITIQUE DU LOGEMENT Les innovations ont été nombreuses et, en quelques années, elles ont totale- ment changé notre façon de concevoir et de construire nos bâtiments : isolation de toutes les parois, attention portée à éviter les ponts thermiques et à garantir l’étanchéité à l’air, systèmes de ventilation, de refroidissement et de chauffage performants, production d’énergie renouvelable… Découlant de décisions prises par les Etats membres de l’Union européenne en matière de performance énergétique, la Wallonie s’est dotée d’objectifs et a pris des mesures qui ont permis de réduire les émis- sions de gaz à effets de serre (GES) liés au chauffage résidentiel de 17% depuis 1990  3 . Ces objectifs vont encore aller en s’amplifiant, amenant bientôt à imposer le niveau «quasi zéro énergie» et à chercher une améliora- tion des performances de l’ensemble du parc de logements d’ici 2050 dans le cadre de la «Stratégie wallonne de rénovation énergé- tique à long terme des bâtiments»  4 . Celle-ci prévoit, pour la période 2017-2050, des inves- tissements de 63 milliards d’euros à répartir entre les secteurs privés et publics. On peut se réjouir de ces avancées. Toutefois, on peut aussi s’interroger sur le point de savoir si les nouveaux efforts à consentir pour rénover l’ensemble du parc et atteindre les standards les plus élevés de performance ne méritent pas d’être ajustés en élargissant le point de vue, et en intégrant d’autres considérations environnementales que celle de la lutte contre les changements climatiques et des considérations sociales peu présentes aujourd’hui. En effet, la réduction des consom- mations énergétiques liées à l’habitat s’est, jusqu’à présent, focalisées sur la réduction de la consommation d’énergie dans l’utilisa- tion des bâtiments (chauffage, ventilation,…). En revanche, on a peu exploité le potentiel d’économie d’énergie que représentent la production et la mise en œuvre des maté- riaux ainsi que les déplacements motorisés inhérents à la localisation de l’habitat. Par ailleurs, les réponses apportées aux exigences en matière de performances énergétiques des bâtiments résultent sou- vent d’approches technicistes qui n’intègrent que peu les préoccupations de simplicité d’usage, de confort ou de santé. 3 Source AWAC, chiffres de 2016, www.awac.be 4 www.energie.wallonie.be/fr/strategie-de-renovation. html?IDC=9580 Vers un habitat à faible impact sur l’environnement Utiliser des matériaux à faible impact sur l’environnement est une autre manière de rendre l’habitat frugal. Les matériaux de construction ont des im- pacts sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie : depuis le prélèvement des ressources, en passant par la production, le transport et la mise en œuvre jusqu’à la gestion des déchets et au recyclage. Ces impacts sur l’environnement résultent de la consommation de ressources et d’énergie, des émissions de polluants, de la consomma- tion d’eau ou de territoire,… Ils concernent la santé, le climat, la biodiversité,… Ces impacts ne sont pas négli- geables. Par exemple, on constate que dans les bâtiments les plus performants sur le plan énergétique, ce sont désormais lesmatériaux qui génèrent la plus grande part des impacts environnementaux : plus de 50% de l’impact global pendant toute la durée de vie du bâti- ment. Pour réduire les impacts environne- mentaux des matériaux, il faut donc nous intéresser à chacune des étapes de leur cycle de vie et privilégier les matériaux les moins impactants. Aujourd’hui, personne ne remet en cause cet objectif. Mais, seuls quelques constructeurs pionniers cherchent à l’at- teindre. Contrairement à la politique relative aux performances énergétiques, il n’existe ni incitant public ni règlementation qui viserait à généraliser l’amélioration des performances environnementales desmatériaux. La transi- tion de ce point de vue est à peine entamée. Le choix de ces constructeurs pion- niers se porte souvent et préférentiellement sur les matériaux locaux et naturels : bois, paille, argile, pierres naturelles,…cela, notam- ment, en raison de leur faible impact liés aux déplacements courts. Mais, d’autres argu- ments, tout aussi pertinents même s’ils sont plus subjectifs, sont mis en avant : le plaisir des sens, le besoin d’harmonie, le plaisir des contacts locaux, le caractère sain… les mêmes arguments, relevant du volet «mieux vivre» de la frugalité, qui font apprécier les produits de bouche achetés au marché ou chez un artisan…même s’ils sont un peu plus chers que ceux de la grande distribution. Privilégier la rénovation ou la transfor- mation de bâtiments existants et l’utilisation dematériaux de réemploi ou recyclés est une piste encore plus prometteuse pour réduire l’impact environnemental liés aux matériaux. Faire «du neuf pour du neuf » est un faux luxe. Tout bâtiment ou partie de bâti- ment maintenue, n’appelle pas à produire et à mettre en œuvre de nouveaux matériaux. Et quand la déconstruction s’impose, consi- dérons chaque bâtiment comme une mine de matériaux à remettre dans le circuit des chantiers dans une logique d’économie cir- culaire. Encore faut-il prévoir la récupération, le tri et le recyclage de ces matériaux dès avant même la demande de déconstruction. Idéalement, les bâtiments devraient être conçus pour être aisément démontés  5 . Cette nouvelle économie commence à se développer. Des entreprises se spécia- lisent dans le démontage des bâtiments. Des filières se créent pour la collecte, le recyclage et le réemploi des matériaux. Aujourd’hui, tous les producteurs de matériaux de construction cherchent à réduire leur impact environnemental notam- ment parce que leurs clients sont devenus de plus en plus sensibles à cette question. Pour mettre en évidence les nouvelles qua- lités de ces matériaux et les valoriser, il est nécessaire de les objectiver. La Wallonie, la Flandre et Bruxelles ont développé l’outil de calcul ToTEM (Tool to Optimise the Total Environmental impact of Materials  6  ) qui per- met désormais cette objectivation. Il devrait donner davantage de crédit à une approche de la construction intégrant les performances environnementales des matériaux. 5 Voir à cet égard le mémoire nominé par la Fondation pour les générations futures : https ://hera. foundationfuturegenerations.org/fr/portal/publication/un- vade-mecum-pour-la-conception-partir-de-materiaux-de- reemploi 6 www.totem-building.be >© Cluster Eco-construction

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